
Label Club Engagé : L’Est en action !
Soixante-quatre. La Ligue de rugby Grand Est, cette région administrative qui a vu fusionner en 2016 l’Alsace, la Champagne-Ardenne et la Lorraine, recense 64 clubs de rugby. Cette terre riche de l’histoire de France a un passé ovale plus modeste que d’autres. Pour autant, son investissement mêlant rugby et actions sociétales est à louer. Avec plus de 5,5 millions d’habitants au cœur géographique et politique de l’Europe, ce territoire ne cesse de se développer rugbystiquement, notamment par l’entremise d’actions autres que la compétition et la formation en écoles de rugby.
Conseiller technique de club (CTC) du bassin n° 3, également responsable du sport santé de toute la Ligue Grand Est, Jean-Claude Petit a notamment passé son DEJEPS avec un institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (ITEP). Atteint de dyspraxie, tout comme l’un de ses fils (Johémy, coach de rugby), et d’un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité
(TDAH), il évoque très positivement ces pathologies avec son néologisme, la dysférence, qu’il raconte dans un ouvrage écrit en 2022, une biographie évoquant la vie, la sienne, d’une personne dyspraxique et TDAH passionnée de rugby et des autres.
Il est conscient que rien n’est acquis dans son territoire : « Par rapport au foot et au hand, ici, le rugby ne représente rien ou presque. Tout est plus compliqué, tout est plus loin. Rien n’est donné. Il faut aller le chercher. Cela demande plus de temps et un peu plus d’investissement, mais pas moins d’amour et de passion. Les gens qui sont investis dans le rugby ici sont très impliqués, avec une recherche du bien vivre ensemble. »
Pour ce faire, ces clubs débordent d’idées et de solutions. « Dès que l’un d’entre eux a une idée ou une envie de développer une action du label Club Engagé, ajoute Arnauld Boursaux, CTC du bassin n° 5 dit nord-alsacien, on les accompagne dans cette démarche à tous points de vue. C’est vrai que dans l’Est, beaucoup de clubs ont des visions plus grandes que le simple secteur sportif. »
Ces CTC, en plus d’accompagner les clubs du Grand Est sur le projet fédéral, travaillent avec eux main dans la main quant à leur avenir, représenté par ce projet sociétal. « L’idée est aussi de savoir comment exister dans ce monde concurrentiel des sports et des loisirs à travers nos différences, argue Jean-Claude Petit. Cette identité rugbystique par le lien social est une véritable valeur ajoutée de notre discipline. » La chanson Donner pour donner mise en musique en 1980 Michel Berger pour France Gall et Elton John trouve son sens ici.
Le sens même des actions LCE repose en effet sur l’intention pure de rendre service à travers le sport ovale. Mais parfois ces actions sont valorisables, voire valorisées. « On n’a pas encore beaucoup de recul sur la valorisation de ces actions en termes de licenciés, de bénévoles ou de partenaires, avoue Arnauld Boursaux. Il ne faut pas mener ces actions uniquement en pensant à des retombées. Ce qui est certain, c’est que la démarche se fait avant tout pour promouvoir le rugby ou faire plaisir. Leur communication et leur image d’acteurs sociaux et éducatifs rayonnent d’autant plus auprès des parents, joueurs, sponsors ou collectivités. »

Label Club Engagé : Le SO Millavois et le Stade Toulousain en tête d’un rugby toujours plus responsable
Pour sa deuxième édition, le Label Club Engagé confirme la mobilisation croissante des clubs français autour des valeurs d’inclusion, de santé, de citoyenneté et…
Les CTC souvent au démarrage de l’action
Les CTC sont, avec les clubs de leur bassin, souvent au démarrage de l’action ou des actions. Charge ensuite de faire savoir pour, ici, convaincre de nouveaux licenciés, encadrants, bénévoles, sponsors ou collectivités. Et ça marche. « Il est certain qu’on ne valorise pas encore assez ces actions des clubs de rugby, accorde Jean-Claude Petit. Dans ce sport, on a besoin de tout le monde. C’est un sport éducatif, d’inclusion naturelle et de vivre-ensemble. Contrairement à certains pans de notre société, il ne met pas en opposition. Et c’est bien ! »
Si l’un des tout premiers matches de rugby à Nancy daterait de 1904 avec l’Association Sportive de l’Est, le club actuel du Nancy Seichamps Rugby (NSR) n’a vu le jour qu’en 2000 avec la réunion du SLUC-ASPTT Nancy et du RC54 Villers-Seichamps. Vingt-cinq ans plus tard, c’est fort de 500 points (sur un maximum de 700 possibles) que cette entité lorraine truste la première place du classement des clubs jouant le jeu du label Club Engagé. Avec un terreau de 556 licenciés, l’école de rugby deux étoiles est aussi solide, au cœur d’un bassin où foot et hand sont les sports rois. Idem en ce qui concerne les séniors masculins et féminins, qui sont ambitieux.
Si, du côté du stade Matter, les garçons évoluent en Fédérale 3, les féminines font référence en Fédérale 1 (3e échelon national). En sus de l’équipe à X, le club vient de lancer cette saison une autre équipe à XV, engagée en Fédérale 2 ! Ou quand quantité sportive rime avec qualité. D’ailleurs, avec aussi le club d’Illkirch-Graffenstaden, le rugby féminin est le porte-étendard, plus haut représentant du club dans la pyramide des compétitions hexagonales. Pas étonnant qu’on pousse toujours plus cette section.
Le responsable du pôle féminin et du CEL (14 filles et 14 garçons), Laurent Monestier, rend hommage aux pionniers du club : « On n’oublie pas ceux qui ont œuvré pour développer le rugby féminin dès 2002. On a ici la chance de disposer d’une soixantaine de joueuses séniores mais aussi d’une quarantaine de cadettes (en entente) et d’avoir une organisation de staffs de qualité. On est sans cesse sur le principe de n’oublier personne sur le côté. L’idée est que chacune développe des qualités, tout en menant un double projet, et que chacune s’accomplisse. Le tout sans les clivages d’antan. Tout le monde se donne des coups de pouce. Malgré des moyens financiers limités, les acteurs du club donnent beaucoup, avec une bonne coordination. »
Parmi elles, on rencontre au CREPS (un à deux entraînements par semaine) Pauline Collin, deuxième ligne séniore de Nancy et éducatrice spécialisée : « Le club et ses dirigeants ont toujours souhaité développer et faire perdurer la féminisation de notre discipline. Nous joueuses tentons de toujours mettre en avant la cohésion. Et il est bien normal que le rugby devienne accessible à tous avec des pratiques différentes. Le rugby a toujours été un sport adaptable et d’intégration. »
Les +18 hommes ne sont pas en reste dans ce club. « Sportivement, on souhaite un maintien pour l’équipe une masculine, lance d’abord Baptiste Frangne, coach des séniors garçons. Mais n’oublions pas que même si le club est très développé, il reste jeune. Le NSR essaie de grandir, de bosser avec les clubs voisins. N’oublions pas que, rugbystiquement, le Grand Est reste à développer. »
Tous sont fiers d’avoir un club de haut niveau pour les filles et les garçons. Baptiste Frangne :« Il y a beaucoup de transversalité entre toutes les sections. On décloisonne le plus possible afin de travailler tous ensemble. C’est une marque de fabrique. Cela nous caractérise bien je trouve, en plus des actions sociétales qui sont complètement d’actualité. Pour participer à certaines d’entre elles, c’est là où l’on observe la puissance de ce sport qui est bien dans l’air du temps, et surtout à Nancy. »
Une grande variété d’actions sociétales
Parmi ces actions, on note les événements Du Stade vers l’Emploi, le sport santé, le rugby adapté, du lien avec le monde universitaire, des juniors qui ont participé à un marathon de la rame en partenariat avec un partenaire du club, mais aussi fin septembre une bourse aux vêtements permettant aux plus modestes de s’équiper ; il y a aussi l’usage de gourdes ou le tri des déchets.
D’autres opérations sont à noter, comme le nettoyage des rives de Meurthe, une autre de ramassage des mégots sur son bassin ou des actions avec des personnes atteintes de cancer. Arrivé à l’entraînement avant ses coéquipiers afin de travailler son jeu au pied, Matteo Vu Van, 21 ans, est centre des séniors de Nancy mais aussi coach avec des jeunes. Il est raccord avec les actions de son club : « Enseigner, encadrer et développer toutes sortes de rugbys en sécurité, c’est la base. Je suis fier de faire partie d’un club de la sorte qui se diversifie. »
Pas étonnant qu’il passe actuellement son brevet fédéral de performance et un BPJEPS APT (activités physiques pour tous). Morgane Courtial, demie de mêlée des Louves et séniores féminines, est aussi alternante, préparant son DEJEPS. Ses missions ? S’occuper du centre d’entraînement labellisé, de la section sport-études du collège et du lycée, de la section féminine (elle entraîne les cadettes), du scolaire ou du sport santé.
En ce qui concerne la santé, Morgane Courtial développe : « On travaille notamment avec le CHU de Nancy ou le centre de rééducation voisin. J’interviens aussi hebdomadairement à la CPAM afin de faire faire de l’activité physique et lutter contre la sédentarité. Avec mes entraînements, ceux des cadettes et les matches des deux équipes les week-ends, cela fait de belles semaines (rires). Dans le Grand Est, on se doit de montrer d’autres formes de rugby mais aussi ses valeurs. Mais que ce soit avec les résultats sportifs ou humains, on sent une bonne dynamique dans notre club. »
Pour rappel, le nouveau label Club Engagé voit dorénavant les CTC de chaque territoire compiler les informations de chaque action de chaque club et les transformer en points. À ce propos, le CTC dont dépend Nancy-Seichamps n’est autre que… Jean-Claude Petit. « En plus d’être ambitieux sportivement, apprécie-t-il, le NSR se développe sur quasiment tous les piliers du LCE. Il a été l’un des premiers clubs à lancer l’activité rugby santé sur ordonnance dans le Grand Est. C’est un club qui grandit, malgré les aléas sportifs, sans faire de bruit. Mieux, il se construit totalement dans la réalité sociétale d’aujourd’hui. Sa force est d’être présent sur tous les publics, d’évoluer dans son temps et son contexte. »

Jordan Roux : « Le Label Club Engagé, un levier de structuration pour les clubs »
Deux saisons, des centaines de clubs impliqués et une dynamique qui s’installe : le Label Club Engagé confirme son rôle moteur dans la structuration…
Les jeunes s’investissent pour des actions sociétales
Bien que vivant à 40 km du club, la famille Bernard vit rugby. Si Laurence Bernard est responsable de la communication du club et manageuse des juniors (garçons), son mari est lui représentant fédéral, quand l’un de ses enfants est joueur du NSR et l’autre arbitre ! « Tous les actes autour de la citoyenneté, de l’inclusion ou du développement durable ne peuvent qu’avoir une incidence et un impact positifs chez nous, note-t-elle. Notamment les jeunes, des personnes que l’on doit toucher grâce au rugby, qui a de tous temps été une école de la vie. En fait, des actions qui nous paraissent évidentes s’ajoutent les unes aux autres et tout le monde y trouve son compte, même si c’est beaucoup de temps. »
Un partenariat avec le Stade toulousain se manifeste aussi notamment par un stage annuel de trois jours en avril pour les catégories allant de M10 à F15. « Très souvent, apprécie Laurence Bernard, nos jeunes se proposent pour donner un coup de main de façon bénévole lors de cet événement. D’ailleurs, de plus en plus, nos jeunes s’investissent pour nos actions sociétales ou donner des coups de main. J’ai l’impression qu’il y a un état d’esprit, une mentalité à part. »
Dans le Grand Est, les clubs se nomment aussi AS Chalampé, Ottmarsheim RC, Colmar RC, l’EMBAR, RC Naborien ou RC Saint-Louis. Ces clubs sont eux aussi très actifs ! Les deux premiers, bien que modestes en nombre de licenciés, sont sur le podium des plus grandes progressions entre les deux dernières saisons pour le LCE. « Le Strasbourg Alsace Rugby est implanté en plein QPV Hautepierre, ajoute Arnauld Boursaux. Le club y est très actif mais aussi dans le milieu scolaire avec une section sportive au collège et en allant dans plusieurs écoles. Une section rugby santé a aussi été lancée l’année dernière, tout comme l’action de job dating Du Stade vers l’Emploi. »
Lors d’Octobre rose 2024, le club avait fait faire une tenue toute rose que les joueurs ont portée durant tout le mois.« Ensuite, chaque joueur avait la charge de revendre son maillot, les bénéfices de la vente revenant à Octobre rose », se souvient Arnauld Boursaux. Chaque club a ses particularités, des marqueurs forts souvent liés à des hommes ou des femmes investi(e)s pour une cause leur tenant à cœur, à une histoire, à des rencontres. « À Remiremont, poursuit Arnauld Boursaux, le club travaille aussi avec un EHPAD tout en ayant inauguré une plaine de jeux avec un terrain tout neuf quand les vestiaires et bientôt le club-house ont été refaits par les bénévoles. »
De nombreux clubs sont actifs ; Saint-Dié-des-Vosges a l’habitude de travailler avec des personnes handicapées, Épinal est très actif avec les quartiers et il existe un partenariat entre la Team AGIR (Agence Générative en Innovations Responsables) et Lunéville qui travaille aussi avec des enfants ayant un petit truc en plus. Avec son école de rugby labellisée une étoile depuis 2016, son stade Joseph-Gascon jouxtant le lycée et en pleine réfection (pelouse et vestiaires) ou l’usine Tronox*, le RC Thann est un autre acteur du sud du Haut-Rhin, plus rural. « En plus d’être un club de rugby dans le Grand Est, confie son président Jean-Philippe Goddard, c’est une fierté que d’avoir des actions et des participations à la vie de notre territoire, en lien avec le public et le privé. En plus du sportif, l’implication des jeunes, des moins jeunes, la cohésion avec la société ou des actions de rugby adapté ou loisir font sens pour nous. »
* Tronox est considérée comme la plus ancienne usine chimique du monde, produisant chaque année 30 000 tonnes de dioxyde de titane permettant l’amélioration de la qualité de l’air ou de rendre opaque le plastique
